Chaque jour qui passe met un peu plus en évidence que la crise du Covid-19 devient prétexte à poursuivre et amplifier les contre-réformes engagées à l’encontre de l’école publique républicaine et ses personnels.
Ce n’est pas ça, l’école publique et laïque
La réouverture des écoles à partir du 11 mai a été l’occasion pour le ministre de mettre en place une école qui n’est plus l’école.
Une école gérée par les municipalités, créant la confusion entre scolaire et périscolaire, dans un mélange des genres entre enseignants et personnels municipaux, sans groupe classe de niveau, sans tous les élèves, alternant présentiel et distanciel, sans programmes nationaux mais avec des projets éducatifs territoriaux, sans respect des statuts, sans missions clairement définies, sans règles… Une « garderie apprenante municipale. »
Et, comme il l’a fait pour la réforme des rythmes scolaires, première mesure de son investiture, comme il l’a fait pour la gestion de la canicule l’an dernier, le ministre Blanquer répond immanquablement : ce sont les mairies qui décident. C’est bien là son cap : tout est prétexte à se défausser sur les collectivités locales, car c’est là son objectif pour l’école. Nous sommes là dans la même logique : celle de la dislocation.
Et quand on écoute le ministre, ce constat alarmant laisse place à une inquiétude profonde, notamment lorsqu’il annonce que cette école dégradée, bricolée, à mi-chemin entre la garderie et l’école, entre la gestion nationale et municipale, est pour lui une préfiguration de « l’école de demain ».
2S2C (sport, santé, culture et civisme) : l’école externalisée
« Nous avons à penser une place supplémentaire du sport et de la culture à l’école », a déclaré le ministre Blanquer au Sénat le 19 mai. « Une contrainte forte peut nous amener à une évolution positive car on avait déjà l’objectif de développer la place du sport et de la culture. Ce qui préfigure cela, c’est le 2S2C ». Utilisé dans le cadre du déconfinement pour accueillir toujours plus élèves avec peu de professeurs, ce dispositif repose sur des activités conduites par des intervenants extérieurs embauchés par la municipalité. Et cela sur le temps scolaire, en lieu et place des cours. L’État envisage de donner 110 €, par jour et par groupe de 15 élèves, aux communes qui souhaitent s’engager. C’est l’externalisation des enseignements d’EPS, d’éducation musicale, d’arts plastiques. Le ministre souhaite même proposer à des enseignants du 2nd degré de s’y impliquer aussi, dans les écoles. Les statuts particuliers des enseignants sont en effet incompatibles avec les missions d’animation et de garderie que Blanquer réserve à l’école « de demain ».
Un projet de loi pour des écoles autonomes
Le statut de directeur supérieur hiérarchique, rejeté massivement par les personnels, revient sur le devant de la scène, à travers un projet de loi qui vient d’être déposé. Alors que depuis des années les revendications d’amélioration financière reçoivent une fin de non-recevoir de la part des ministres, elles deviennent soudainement réalisables en échange de la création d’un statut de directeur d’établissement, véritable contremaître local d’une école devenue autonome et dirigée par un conseil d’école qui « décide » (art 1er de la proposition de loi) là où, aujourd’hui, il « donne son avis ».
Ce projet s’inscrit dans la volonté gouvernementale d’établir un lien de subordination entre les directeurs et les municipalités, ce qui remettrait en cause le cadre national de l’école de la République et le statut de fonctionnaire d’Etat des professeurs des écoles, adjoints comme directeurs.
Enseignement à distance : l’école et l’université privatisées !
Le confinement imposé par le gouvernement a contraint les personnels à faire tout ce qu’ils pouvaient pour que les élèves, privés d’instruction, ne soient pas totalement coupés de l’institution scolaire. Mais tous disent que les classes virtuelles, les mails et le téléphone ne remplaceront jamais l’école. Les enseignants veulent retrouver leurs élèves pour leur délivrer un savoir.
De plus, l’enseignement à distance s’est fait dans un cadre déréglementé. Certains professeurs se retrouvent à jongler entre présentiel et distanciel, chargés de suivre des groupes de 60, 70 élèves…
Pourtant le gouvernement persiste dans sa volonté de s’appuyer sur cet enseignement dégradé et inégalitaire pour le déployer dès la rentrée prochaine. Le ministère de l’Education nationale n’hésite pas à relayer un sondage sur les prétendus bienfaits du télé-enseignement, sondage commandé par la Break Poverty Foundation, qui voit dans le désengagement de l’Etat l’opportunité de promouvoir des « offres » privatisées d’Education sous couvert de charité. Une députée de Corrèze vient de présenter un projet de loi visant à rendre obligatoire l’enseignement numérique distanciel « comme un complément voire une solution alternative », dans les collèges, lycées, écoles et universités. Les dispositifs existants (les MOOC, l’ENT, le e‐learning…), notamment les cours en ligne privé sont présentés comme des solutions. Selon l’exposé des motifs, « cela pourrait éviter des frais de logement et d’études aux étudiants dont les parents ne peuvent assumer des études longues et coûteuses. » Dans la foulée des propos de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, des universités annoncent d’ores et déjà une reprise en distanciel à partir de septembre.
L’enseignement à distance est non seulement source d’inégalité, de privatisation rampante via les prestataires privés, c’est aussi la remise en cause des statuts et de la liberté pédagogique et une menace sur tous les postes.
Les personnels veulent retrouver leur école, leur université
Les personnels ont bien compris que ces mesures, qui n’ont rien à voir avec le contexte sanitaire ou social, conduisent à moins d’école, moins de statut, moins d’enseignants, et toujours plus d’inégalités devant le droit à l’instruction.
Les personnels rejettent cette école à la carte, territorialisée, à l’opposé des revendications Force Ouvrière de défense de l’école publique, la même partout, avec des enseignants fonctionnaires d’Etat, non soumis à la tutelle des élus locaux.
Il est urgent de rétablir les conditions d’une scolarité normale pour tous les élèves. Il est urgent de rouvrir les universités.
La FNEC FP FO avec sa confédération revendique la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Elle appelle les personnels à se réunir pour faire le point, s’organiser pour faire valoir les revendications urgentes face au chaos imposé par les ministres, et exiger les moyens de rétablir un véritable enseignement délivré par des personnels fonctionnaires d’Etat, protégés par un statut.
Montreuil, le 25 mai 2020