Régime universel par points : le hold-up qu’entend organiser le gouvernement

Monsieur le premier ministre et le ministre de l’Education nationale nous disent que pas un fonctionnaire de l’Education nationale ne perdra avec le régime universel par points.

Faux !

Explication :

Actuellement, dans le cadre du Code des pensions, la contribution de l’employeur Education nationale (comme tous les ministères de l’Etat) aux fonctionnaires d’état pensionnés est de 74,280 % du traitement brut. Cet argent est versé directement aux retraités actuels.
Le bulletin de paye ci-dessous indique que le traitement brut pour cet enseignant est de 2 731,95 € et que la contribution employeur pour la pension civile est de 2 029,29 € (2731,95 x 74,280 %). Ces 2 029,29 € font partie de notre salaire. 

C’est ce qu’on appelle le salaire différé : cet argent nous appartient donc.

La page 32 du rapport Delevoye

Avec la mise en place du régime universel par points au 1er janvier 2025, le rapport Delevoye nous indique (p 32 du rapport publié le 15 juillet 2019) que la contribution retraite partagée (entre la part salariale et la part employeur) serait de 28,12 %.

Avec ce régime, la contribution s’appliquerait sur le salaire brut ET les indemnités.

  • 40 % de contribution pour le salarié, soit 11,248 %
  • 60 % de contribution pour la part employeur, soit 16,872 %

La part employeur, c’est-à-dire ce que va cotiser le ministère de l’Education nationale dans la caisse de retraite, passerait de 74,280 % à 16,872 %

Prenons l’exemple d’un enseignant (en jaune dans le tableau ci-dessous) et d’un administratif SAENES (en bleu dans le tableau).

Exemple 1

Novembre 2019, un enseignant du 9ème échelon de la classe normale perçoit un salaire brut mensuel de 2 731,95 € et une indemnité de 100 € d’ISAE.
La cotisation employeur pour la pension civile est actuellement de 2 029,29 € (2 731,95 x 74,280 %). Avec le régime universel, elle ne serait plus que de 477,81 € ((2 731,95 + 100) x 16,872 %).

Le gain pour le ministère est donc 1 551,48 € (2 029,29 – 477,81) par mois

Exemple 2

Novembre 2019, un agent administratif SAENES du 10ème échelon de la classe normale perçoit un salaire brut mensuel de 2 066,53 € et 291,66 € d’indemnité par mois.
La cotisation employeur pour la pension civile est actuellement de 1 535,02 € (2 066,53 x 74,280 %). Avec le régime universel, elle ne serait plus que de 397,87 € ((2 066,53 + 291,66) x 16,872 %).

Le gain pour le ministère est donc de 1 137,15 € (1 535,02 – 397,87) par mois

Ainsi, quand le ministre Blanquer parle d’indemnités ou de primes pour les personnels de l’Education nationale, cela ne lui coûtera rien, au contraire !
Par ailleurs, il ne donne aucun détail : quelle(s) indemnité(s) ? Combien ? Pour quels agents ? Dans combien de temps ? La seule annonce étant celle d’une modification du temps de travail et des congés scolaires…

Mise en place de la caisse de retraite du régime universel dès le 1er janvier 2025

Le premier ministre annonce que le régime universel par points ne s’appliquera qu’aux retraités nés à partir de 1975. Mais ce qu’il ne dit pas, c’est que la caisse du régime universel se mettra en place dès le 1er janvier 2025. Les retraités ne recevront non plus leur pension du ministère des finances, comme c’est le cas actuellement, mais directement de la caisse de retraite du régime universel.

C’est la fin de l’obligation pour l’employeur Etat, obligation prévue par le statut de fonctionnaire d’Etat, de garantir la pension des retraités (loi 83-634 du 13 juillet 1983).

Ce qui est certain, c’est que le gouvernement veut faire des économies de centaines de milliards d’euros sur les pensions des fonctionnaires : 

pour le seul ministère de l’Education nationale, environ 15,31 milliards par an ne seraient pas versés dans la caisse du régime universel.

Explications et calcul

Le traitement brut moyen dans la Fonction publique de l’Etat est de 2 593 €. La cotisation employeur actuelle (74,280 %) est de 1 926 €.

Les revenus moyens (traitement + indemnités) sont de 3 355 €, avec les 16,872 % prévus par le rapport Delevoye, la cotisation employeur serait de 566 €.

Ce sont donc 1 360 € par mois en moyenne qu’il manquerait dans la caisse de retraite, soit pour les seuls personnels de l’Education nationale (environ 1 million d’agents), 15,31 milliards par an (1 360 x 12 x 938 463).

Des milliards d’euros d’économie par an pour l’Etat avec la mise en place du régime universel par points. Un hold up sur le salaire différé !

Des milliards en moins pour la caisse de retraite ! Un déficit déjà programmé !

Le gouvernement n’arrête pas de répéter que les caisses sont vides ! A ce rythme et dans quelques années, le constat sera fait que la caisse de retraite du régime universel sera en déficit !
Le seul moyen de renflouer les caisses sera donc de baisser la valeur du point (5,5% prévu dans le rapport Delevoye) donc les pensions, ET/OU d’augmenter la valeur d’achat du point (10 € le point dans le rapport Delevoye).

Extrait de la résolution du 18ème congrès de la FNEC FP-FO Clermont-Ferrand octobre 2019

Avec la CGT-FO, le Congrès « réaffirme avec force que ce n’est pas le système actuel qui est défaillant, mais bien les politiques économiques. Les inégalités de retraite d’aujourd’hui sont en effet le reflet des inégalités professionnelles d’hier. Elles résultent en particulier de la précarisation du travail, de la difficulté d’entrée dans l’emploi pour les jeunes, du chômage de longue durée et des inégalités de rémunération à travail égal entre les femmes et les hommes. (…)

Pour le congrès, les revendications du congrès de Gravelines concernant les retraites sont plus que jamais d’actualité, en particulier notre slogan « 40 ans, c’est déjà trop », le Congrès confirme sa démarche volontariste de reconquête sociale qui passe par le retour de la retraite à 60 ans, et dans la perspective du retour aux 37,5 de cotisations, en créant le rapport de force lorsque les conditions sont réunies. Cette construction de la grève passe par la multiplication des AG, des motions dans les écoles, les établissements, les services…

Le congrès revendique en particulier le maintien de l’ensemble des régimes et le maintien du Code des pensions civiles et militaires.»